La figure de Sabbataï Tsevi, le messie de Smyrne, hante l’histoire juive ainsi que l’histoire des mouvements apocalyptiques, d’autant qu’elle est restée très longtemps totalement inexplorée. Cette grande œuvre de Gershom Scholem entreprend une évocation détaillée du personnage, qui, dans toute l’Europe et en Orient, apparut comme le messie. C’est le fond même de la vague à la fois insurrectionnelle et religieuse qui est sondé à travers ses manifestations publiques comme à travers ses récits. Comment presque tout un peuple a cru à un moment à la fin du monde et s’y est activement préparé, comment le fol espoir de délivrance bouleversa les données historiques concrètes et l’ordre social ordinaire pour s’effondrer ensuite et jeter dans le désarroi le monde juif abusé, c’est la question à laquelle ce livre tente de répondre. Aborder l’histoire dans l’horizon de ce qu’imaginent les hommes et non sous l’angle étriqué de leurs conditions d’existence matérielle, tel est l’apport de Gershom Scholem à la démarche historique qui la renouvelle en profondeur.
Écrit dans une bourgade de Lituanie au début du XIXe siècle, L’Âme de la vie est à plus d’un égard exceptionnel : œuvre de Rabbi Hayyim de Volozhyn (1759-1821), un des plus éminents talmudistes de ce temps, fondateur d’une école qui forma les grands maîtres jusqu’à notre époque, elle exprime la pensée intime – métaphysique, théologique, anthropologique – d’une autorité rabbinique engagée dans la lutte contre la montée des idéologies religieuses piétistes et qui consacrait ses jours à ce qui était pour elle le cœur de toute existence juive : l’étude. Paradoxalement, c’est la cabale qui lui fournit ses intuitions et motifs principaux. À ce titre cet ouvrage peut être considéré comme une introduction magistrale à la mystique juive. Il est pourtant bien plus que cela : un guide pour égarés des temps modernes, qui est d’abord un livre de pensée et d’approfondissement.
Barcelone, juillet 1263 : devant le roi d’Aragon, la cour, et devant les personnalités les plus éminentes de l’Église chrétienne, s’engage une Dispute qui va durer quatre jours. Elle oppose Paul Christiani, juif converti au christianisme, à Rabbi Moïse ben Nahman (Nahmanide) de Gérone, l’une des plus hautes autorités du judaïsme espagnol. Quatre jours d’une âpre discussion touchant la venue du Messie et sa nature, et au cours desquels va se dévoiler l’endroit de la rupture entre judaïsme et christianisme : le pouvoir, la souveraineté. Du fond de cette rupture, c’est le sens de l’exil du peuple juif, dépossédé de cette souveraineté, qui devient l’enjeu de l’affrontement. Si le Messie est déjà venu et que les juifs ne l’ont pas connu, leur exil n’est plus qu’une inutile errance, ce qu’il y a de plus vain faisant suite à l’erreur la plus essentielle. Mais si le Messie n’est pas encore venu, le christianisme se trouve relégué au rang de simple puissance politique et sa vérité résumée à l’exercice momentané d’un pouvoir dans le monde.
Au fil de la dispute, Nahmanide passe ainsi en revue les principaux récits talmudiques et midrachiques relatifs au Messie et expose, avec finesse et humour, la signification concrète visée par chacun d’eux. Mais son livre est aussi un tableau vivant où les réactions des protagonistes qui nous sont rapportées donnent autant à penser que les discours qu’ils tiennent.
À ceux qui attendent une parole en existence, vérifiée par le nœud des actes et des pensées, par ce qui dure, insiste en chaque homme et fait l’épaisseur de son présent, se propose, modestement, ce livre, le Traité des Pères, écrit au IIe siècle par Rabbi Juda Hanassi. À ce court texte, se confrontèrent, génération après génération, les plus grands penseurs juifs, persuadés qu’en ce débat se décidait ce qu’il en était justement de leur grandeur.
Recueil des sentences des sages d’Israël qui succédèrent aux prophètes de l’époque biblique, les Pirqé Avot ou Traité des Pères, furent en effet l’objet, au cours des siècles, du plus intense travail de commentaire que connut la tradition juive. Le premier d’entre eux, par son importance, est le commentaire de Rambam (Moïse Maïmonide) que l’on trouvera traduit intégralement dans ce livre. Nous lui avons joint les extraits les plus significatifs des principaux autres commentateurs : Rachi, Rabbénou Yona, le Maharal de Prague et Rabbi Hayim de Volozhyn. Ainsi, lorsqu’en présence du déploiement séculaire d’une parole qui a la vie dure, on scrutera le défilement de ces écrits et on étudiera ces textes, on saura alors comment se décident et se reproduisent les orientations cruciales de ce que l’on nomme éthique et sagesse. À chaque époque, l’éternel recommencement de l’homme, tel est l’envoi que nous adressons à notre tour au lecteur d’aujourd’hui, accompagné, à terme, d’une question pour lui, sur ce qu’il entend mettre dans cet aujourd’hui.
Commentaire en yidich du Pentateuque, le Tseenah ureenah fut composé au XVIIe siècle. Cet ouvrage demeure l’un des textes les plus populaires de la littérature en langue yidich et, au-delà, de la littérature juive. Son intérêt réside surtout dans la prodigieuse variété de son contenu qui rassemble de nombreux aspects de la vie et de la tradition juives. Fondé sur une explication de la paracha alliant le pchat (sens obvie) et le drach (sens interprétatif), le texte intègre une multitude de sources : les principaux commentaires de la Torah (Rachi, Nahmanide et surtout Bahya ben Acher), des fragments midrachiques dont le choix révèle l’originalité de l’auteur, des aggadot ou récits talmudiques, sans oublier des considérations sur les pratiques et la Loi (liées aux minhogin seforim) ou encore des passages éthiques (liés aux muser seforim). En cela, Le Commentaire sur la Torahconstitue une véritable encyclopédie de la pensée et de la tradition juives. Il ne s’agit pas cependant d’une simple paraphrase ou d’une adaptation littérale, mais tout au contraire, d’une libre réécriture, originale et fidèle aux sources hébraïques.
Écrit dans un style simple, clair, privilégiant le récit, les dialogues et la narration, Le Commentaire sur la Torah est une œuvre très vivante et d’une profonde unité. Destiné à l’origine aux hommes et aux femmes qui avaient une connaissance insuffisante de l’hébreu, il fut rédigé pour leur permettre l’accès aux sources saintes. Il nous plonge au cœur de la foi et des croyances juives. C’est le guide par excellence pour s’initier à la beauté des commentaires de la Torah et comprendre l’essence de la sagesse d’Israël.
On a souvent appelé les Juifs « les bâtisseurs du temps ». En effet la célébration des sept fêtes rythmant le calendrier religieux – sept comme le chandelier d’or du Temple de Jérusalem – constitue l’épine dorsale de l’existence du croyant et innerve profondément sa sensibilité.
Ces sept fêtes, dont certaines, tel Kippour, sont aujourd’hui connues de tous, ont une tonalité particulière, issue d’un événement singulier de l’histoire juive ; et la mémoire de cet événement, inscrite dans la fête, marque véritablement le vécu de chacun. Nombreux sont ceux qui restent attachés à ces rites ancrés dans tant de vies familiales : on consomme du pain azyme, on écoute lechofar, on habite la souccah… Mais les implications profondes de ces temps forts échappent généralement à ceux qui n’ont pas eu le privilège de les étudier. Parmi les innombrables commentaires écrits sur les fêtes juives, le plus remarquable est sans doute celui d’un très grand maître du judaïsme, Rabbi Chnéour Zalman de Lady (1745-1813). Le rabbin Adin Steinsaltz, universitaire, cabaliste, Prix Israël 1988 pour l’ensemble de son œuvre, s’est efforcé depuis vingt ans de diffuser la pensée de ce maître. Il l’a commentée dans une série d’entretiens télévisés avec le rabbin Josy Eisenberg.
Restitués dans ce livre, ces commentaires dialogués mettent à jour d’une façon vivante la signification profonde de ces fêtes, et constituent une véritable initiation aux grands thèmes de la philosophie juive. Nous est ici offerte une lecture accessible, nourrie du Talmud et de la cabale, des événements-clés de la Bible (le passage de la mer Rouge, la révélation du Sinaï, etc.) qui fondent les temps majeurs de la vie juive.